La lente constitution d’un cadre légal sécurisé

Né à la fin des années 1980, le portage salarial n’a été réglementé dans le droit français qu’une vingtaine d’années plus tard, par la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 sur la modernisation du travail. Avec cette loi, le portage salarial est entré dans le Code du travail (article L.1251-64), grâce notamment à l’action de Gérard Larcher, actuel président du Sénat. Aux yeux du législateur, une telle définition était nécessaire : « l’activité du portage salarial présentant ses caractéristiques propres », selon la formule employée lors des débats parlementaires par Xavier Bertrand, alors ministre du Travail, des Relations sociales et de la Solidarité.

Selon le Code du travail, le portage salarial est ainsi « un ensemble de relations contractuelles organisées entre une entreprise de portage, une personne portée et des entreprises clientes comportant pour la personne portée le régime du salariat et la rémunération de sa prestation chez le client par l’entreprise de portage. Il garantit les droits de la personne portée sur son apport de clientèle ».

En 2014, la loi relative à la simplification de la vie des entreprises autorise le gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance sur le portage salarial. Ce travail de codification nécessaire avait été annoncé par le Premier ministre Manuel Valls lors de la troisième conférence sociale du quinquennat. Pour les parlementaires, « le portage est un outil d’organisation de l’emploi innovant, dont il convient de renforcer l’assise juridique et d’assurer la cohérence avec un droit du travail qui repose essentiellement sur le salariat traditionnel et le lien hiérarchique qui en découle ».

Le 2 avril 2015, l’ordonnance portant réforme du portage salarial est publiée. Elle constitue une avancée majeure pour le portage salarial en le dotant d’un cadre juridique abouti. Ce texte définit non seulement le portage salarial (nouvel article L.1254-1 du Code du travail), mais aussi ses conditions d’application.

En décembre de la même année, un décret d’application est publié, précisant notamment le montant de la garantie financière que doivent assumer les entreprises de portage salarial afin de garantir le paiement des salaires des portés.

Enfin, le vote de la loi Travail en août 2016 permet de ratifier l’ordonnance d’avril 2015, venant sécuriser définitivement le cadre légal du portage salarial. Dans la foulée, le 1er décembre 2016, une commission mixte paritaire portage salarial est mise en place, ouvrant les négociations à une convention collective et créant, de facto, la branche d’activité professionnelle du portage salarial.

Les dates clés du portage salarial

Ce que prévoit la loi

Le cadre juridique ainsi établi précise les caractéristiques et la rémunération du porté, les conditions de recours au portage salarial pour l’entreprise cliente, le contrat de travail établi entre la société de portage et le porté, et les caractéristiques de l’entreprise de portage.

Le porté, qui peut être cadre ou non-cadre, doit justifier d’une expertise, d’une qualification et d’une autonomie qui lui permettent de rechercher lui-même ses clients et de convenir avec eux des conditions d’exécution de sa prestation et de son prix.

Le législateur a fixé un plancher de rémunération minimale et le principe d’une indemnité d’apport d’affaire. Les périodes sans prestation ne sont pas rémunérées.

Pour chaque mission effectuée dans l’entreprise cliente, la mission ne peut excéder 36 mois. Celle-ci ne peut avoir recours aux services du porté que pour l’exécution d’une tâche occasionnelle ne relevant pas de son activité normale et permanente ou pour une prestation ponctuelle nécessitant une expertise dont elle ne dispose pas. La prestation se traduit par un contrat de prestation de services de nature commerciale, établi entre le porté et l’entreprise cliente.

La relation entre la société de portage et le porté prend la forme d’un contrat de travail, à durée déterminée ou indéterminée, dans une version adaptée au portage salarial. L’entreprise de portage n’est pas tenue de fournir du travail au porté. En revanche, elle doit lui transmettre un compte d’activité mensuel et elle souscrit pour le salarié porté une assurance de responsabilité civile professionnelle. Au même titre qu’un salarié classique, le porté bénéficie d’un accès à la formation continue. Ses droits à la formation sont inscrits dans son compte personnel de formation (CPF) qui le suit tout au long de sa vie professionnelle. Ces heures ne sont jamais perdues, même s’il change de situation.

L’entreprise de portage doit exercer l’activité de portage salarial à titre exclusif. Pour être autorisée à exercer, elle doit envoyer une déclaration préalable d’activité à l’inspection du travail dont relève le siège de l’entreprise. L’entreprise de portage doit justifier d’une garantie des salaires importante destinée en cas de défaillance à prendre en charge le paie- ment des salaires et cotisations sociales afférentes à l’activité du porté.

Cette garantie est calculée en fonction de la masse salariale annuelle de l’entreprise et devra être au minimum égale à 10% de la masse salariale de l’année précédente. En outre, elle ne peut être inférieure à deux fois le plafond annuel de la Sécurité Sociale de l’année considérée.

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